Découvre Sorcière VS Loup-Garou !
- Mélodie Smacs
- 31 mai
- 9 min de lecture
Mon dernier roman est sorti mercredi ! Il s'agit de Sorcière VS Loup-Garou, le 4ème opus de ma série à succès dont tous les tomes sont indépendants : Sorcières VS...
Afin de vous donner un aperçu de ce nouveau livre d'urban fantasy, je vous propose de découvrir dans cet article le premier chapitre, que mes abonnés à ma NewsLetter ont pu lire en avant-première il y a déjà plus d'un mois !
N'hésitez pas à me laisser un commentaire pour me dire ce que vous en avez pensé :)
L’Ordre
Joey
Voilà des mois que je suis sans mission. Une pause certes méritée après ma dernière escapade en terre des dragons, mais qui ressemble à une éternité dans ma vie de sorcière. D’ordinaire, l’Ordre ne me laisse pas plus de deux semaines sans nouvelle, là, j’ai l’impression d’avoir été oubliée. Ce qui ne m’arrange pas.
La promotion que j’ai demandée nécessite peut-être beaucoup de réflexion. C’est en tout cas ce que je me répète pour me rassurer, mais je ne suis pas dupe, si mon projet les avait emballés, ça fait longtemps que j’exercerais mes nouvelles fonctions.
J’ai conscience qu’une personne comme moi, sans famille renommée pour la soutenir, n’a que peu de chances d’accéder à un poste élevé. Une absurdité à mon sens, que j’aimerais voir changer. Qui a dit que la naissance déterminait nos droits et nos capacités ? Nous ne sommes plus au Moyen-Âge, bon sang !
Je continue donc d’errer dans mon petit studio de Vancouver, les pensées en pleine effervescence. Il suffirait d’un simple appel pour me remettre sur les rails et m’éviter de devoir chercher un emploi humain – quelle horreur ! Les seuls que j’ai exercés étaient dans le cadre d’une infiltration. Serveuse, vendeuse, caissière, secrétaire… J’ai eu le droit à la panoplie complète des jobs mal payés. Sur un temps restreint, heureusement pour mon caractère explosif. Enfin, ça, c’est ce que je dis, mais pas ce que je montre.
Dans la vie quotidienne, je me dissimule derrière un masque, comme la plupart des gens. Amusant quand on sait que je vois au travers des leurs. Personne ne distingue quoi que ce soit derrière le mien, ça fait partie du boulot. Après tout, une espionne expressive se ferait très vite remarquer.
Allez, cette fois, ça suffit ! Mon tapis est usé à force de supporter mes aller-retour, il est temps que je sorte d’ici. Pas dans cette tenue, par contre. Le pyjama intégral avec oreilles de loup ferait désordre dans la rue. Je me dirige donc vers ma chambre pour attraper le premier jean qui me passe sous la main et fais de même avec un tee-shirt. En enfilant mon bas, je suis heureuse de constater que je le remplis tout à fait. Mon séjour en prison m’avait fait perdre du poids, je suis ravie de retrouver mes rondeurs.
Avant de sortir, j’attrape un gros manteau et mon portefeuille dans l’idée de m’acheter un sandwich ou un gâteau pendant ma balade, mais je m’arrête, perturbée par le vrombissement de mon téléphone dans ma poche. Il atterrit en un rien de temps dans ma main, la touche pour décrocher déjà appuyée. Mince, il ne faut pas que je paraisse désespérée…
— Allô ?
— Joey, rejoins-moi au rendez-vous habituel dans une heure.
Mon interlocutrice raccroche aussitôt. Ce n’est pas un problème, elle agit toujours ainsi, j’ai l’habitude. Je vérifie ma tenue pour m’assurer qu’elle convient à l’entretien qu’elle me propose. Simple, mais efficace, à mon image, ça ira.
Ma destination est donc toute tracée. Direction Galdur !
Vingt minutes plus tard, je rejoins l’un des accès qui conduit à l’autre univers. Une porte classique, dissimulée par magie aux non-initiés, à l’angle d’une boutique ésotérique. Rien n’est laissé au hasard. Je cogne contre le battant et un énorme œil se montre à travers un judas ouvert. Paume dressée, je montre le tatouage de cupcake dessiné sur mon index. Le sort qui y est incrusté fonctionne aussitôt, m’autorisant l’entrée.
Je quitte donc la Terre pour emprunter le passage interdimensionnel, un lieu sombre dans lequel je vois pourtant très bien devant moi, sans la moindre odeur ni le moindre bruit. Un endroit particulier, qui mène à une multitude de mondes, dont celui que je vise. À ma connaissance, personne ne les a tous explorés, et pour cause, si l’on ignore leur existence, on ne peut s’y rendre, le chemin dépendant de nos pensées. J’oriente les miennes vers Risastor, la capitale de Galdur, afin que la magie fasse son office.
Après avoir gravi plusieurs escaliers, marché dans du sable puis sur des pavés et des cailloux, j’atteins ma destination. Dès que je sors de cet étrange espace, tous mes sens s’affolent. Eux qui se reposaient pendant ma marche se retrouvent soudain assaillis par l’effervescence de la ville. Effluves d’épices et de fleurs, bruits de discussion, de coups de marteau contre de l’acier, de disputes et de rires. Il me faut un instant pour les accueillir sans avoir la tête qui tourne.
Chaque fois que je viens, c’est pareil, pourtant Vancouver n’a rien de calme en journée, je devrais être habituée. Peut-être est-ce dû à l’affluence de créatures surnaturelles. D’ailleurs, mieux vaut que j’érige mes barrières mentales, qui sait ce qui se promène dans les environs.
Je contourne une manticore puis une dryade pour rejoindre l’allée principale, qui me conduira vers les beaux quartiers. Ici, diverses strates se côtoient sans se mélanger. Les riches aux abords du château de cristal, avec de belles maisons et des routes bien entretenues, les pauvres à la périphérie, dans la boue et la fange. Ce système mériterait un bon coup de pied dans le derrière tant il me paraît obsolète. Si j’atteins la place que je convoite au sein de l’Ordre, je pourrai peut-être tenter quelques remarques dans ce sens.
D’ailleurs, mieux vaut ne pas faire attendre mon rendez-vous, ça ne jouerait pas en ma faveur. Je presse donc le pas en prenant soin de ne froisser personne, au risque de recevoir un coup mal placé en guise de remontrance. Tout le monde est à fleur de peau à la capitale, c’est à se demander pourquoi tant de personnes s’y rendent encore.
Après une marche à bon pas, mais prudente, j’atteins les locaux que je vise. Une grande bâtisse en pierres blanches, avec un toit recouvert d’or et d’onyx. Tout ce faste pour annoncer la place des mages dans la société… de quoi m’agacer.
J’ai grandi dans un coven, avec une sorcière supérieure pleine de bonnes intentions. Pour elle, chaque être vivant est l’égal de son voisin et mérite le respect. Sa vision du monde m’a influencée et continue de le faire en dépit de mon rôle. Il m’a été donné de voir des choses horribles pendant mes missions, ce qui aurait pu me dégoûter de bien des gens ou créatures. Pourtant, je garde mon optimisme et évite les amalgames. Non, tous les trolls ne sont pas stupides, même si c’est avéré pour la majorité d’entre eux. De même que les fées ne sont pas toutes gentilles, certaines sont de vraies pestes.
Chassant ces pensées, je me présente à l’accueil de la demeure.
— Elle vous attend, m’annonce le réceptionniste sans même prendre la peine de me regarder.
De toute manière, il est aveugle et mieux vaut éviter de contempler ses yeux si on ne veut pas perdre la mémoire. Le glawackus ne me prête pas plus attention et je le lui rends bien. Quand je me suis attardée sur sa silhouette d’ours, sa crinière de lion et son pelage aussi noir que celui d’une panthère, j’ai cru qu’il allait me bondir dessus pour me dévorer. Une fois, pas deux, merci.
Je poursuis donc mon chemin vers le bureau de ma supérieure, heureuse de laisser la menace derrière moi. Pourquoi embaucher une telle créature à un poste aussi central ? Je ne me l’expliquerai jamais.
Avant de frapper à la porte, je m’arrête pour inspirer un grand coup. Nous nous entendons bien, mais elle reste ma cheffe, alors mieux vaut maintenir en place mon masque sans émotion.
Trois coups plus tard, je pénètre dans le grand bureau étincelant qu’elle s’est octroyée depuis des années, voire des siècles. Difficile à dire quand une simple potion ou un sortilège nous permet de préserver une apparence jeune.
— Te voilà enfin ! m’accueille-t-elle.
Je suis certaine d’être à l’heure, mais préfère ne pas relever. De toute manière, elle trouverait le moyen d’avoir raison.
Justine est fidèle à elle-même, richement vêtue, apprêtée avec soin. Ses longs cheveux noirs descendent en cascade dans son dos tandis que sa belle robe chatoyante, dont une ribambelle de plumes s’échappent sur les côtés, met en valeur l’ocre de sa peau. Que dire des bijoux qu’elle porte ? Toujours aussi étincelants, au point de me faire presque plisser les yeux. Une chance que mon entraînement militaire me prémunisse d’une quelconque réaction, elle s’en serait délectée.
— Installe-toi, voyons, ne reste pas plantée là.
Son injonction est lancée sur un ton enjoué, signe qu’elle est dans de bonnes dispositions. Tant mieux, subir sa colère n’a rien d’agréable, j’en sais quelque chose.
Je rejoins un fauteuil molletonné situé face à un immense bureau en acajou, ma place habituelle lors de nos rencontres. Elle s’active dans mon dos, sans doute pour préparer du thé, sa grande spécialité. Je ne comprends pas pourquoi elle s’entête à me faire avaler cette eau chaude aux plantes alors que je carbure au café. Une autre de ses excentricités contre laquelle j’ai arrêté de lutter.
Lorsqu’elle revient avec des tasses, j’esquisse un sourire plus par politesse que reconnaissance. Elle ne s’en formalise pas et conserve son entrain, a priori peu désireuse de s’asseoir puisqu’elle reste debout près de moi.
— Bon, ça fait un moment qu’on ne s’est pas vues ! s’exclame-t-elle comme si nous étions deux vieilles copines.
— En effet, acquiescé-je avec prudence.
— Quoi de neuf ?
Je la dévisage sans comprendre. Depuis quand me demande-t-elle de mes nouvelles ? Des rapports, oui, mais jamais aucune information personnelle. En mon esprit, ça se bouscule dans tous les sens, j’appréhende la suite de cet entretien, tandis que sur mon visage, rien ne filtre.
Que veut-elle ? Pourquoi a-t-elle l’air si différente des fois précédentes ? Ça ne sent pas bon… Elle a une mauvaise nouvelle à m’annoncer, c’est ça ? Ma demande a été refusée, le monde va exploser… Bon sang, qu’elle parle !
— D’accord, tu ne comptes pas m’aider à détendre l’atmosphère, me reproche-t-elle face à mon silence.
— Je ne la pensais pas tendue, rétorqué-je.
Justine pince les lèvres et fronce les sourcils, ce qui la rajeunit d’au moins cinq ans. À force, elle va finir par ressembler à une adolescente et non une femme d’expérience. Pourtant, je lui en sais beaucoup…
Elle s’éloigne de moi pour rejoindre son siège, de l’autre côté du grand bureau. Son silence et son attitude étrange me mettent mal à l’aise, au point que je regrette d’avoir érigé mes barrières. Si je les abaissais un peu, je percevrais son état général… Sauf que je me suis engagée à ne pas le faire au sein de l’Ordre. Utiliser mes dons pour leur profit, oui, mais surtout pas contre eux ou pour le mien. Une règle qui me pèse au fil des ans. Si j’avais développé une autre magie, je ne serais pas ici, que ce soit positif ou négatif.
— Bon, allons droit au but puisque tu refuses de discuter avec moi, abdique-t-elle. Tu sais, tu devrais te faire des amis un jour, ça te ferait du bien. Toute cette solitude, ce n’est pas bon, tu deviens de plus en plus froide.
— N’est-ce pas parfait pour remplir mon rôle ? Je réfléchirai à tes conseils lorsque je serai promue. D’ailleurs…
— Non, je ne t’ai pas fait venir ici pour ça, me coupe-t-elle en soupirant.
Je m’en doutais, une fois encore, le poste que je brigue m’est refusé. Que leur faut-il comme preuve de mon investissement et de ma volonté ? Voilà déjà douze ans que je parcours la Terre et Galdur pour espionner et démanteler des affaires louches. N’ai-je pas assez donné ? N’ai-je pas enfin droit à plus de calme et de considération ?
Avant que je puisse exprimer le fond de ma pensée, Justine me devance, comme si elle lisait les miennes.
— Tu as une nouvelle mission. Oui, je sais, encore. Que veux-tu ? Tu es l’un de nos meilleurs éléments, alors nous comptons sur toi, comme d’habitude.
Est-elle en train de dire que si j’étais moins efficace, j’aurais le droit à ma promotion ? On marche sur la tête !
Elle ne me laisse pas le temps de protester, quand bien même j’en avais l’intention. Ma place est claire, toute contestation sera vaine. Pour l’instant, en tout cas.
— Pour celle-ci, tu ne quittes pas le Canada, c’est bien, non ? s’enthousiasme-t-elle pour faire passer la pilule.
— Super, grommelé-je.
— Tu vas infiltrer une meute de loups, on nous a rapporté d’étranges phénomènes de leur côté. Tous les détails sont dans ce dossier, à n’ouvrir qu’une fois chez toi, bien entendu.
D’un hochement de tête, je lui signifie que j’ai compris. De toute manière, les instructions de base sont les mêmes à chaque fois, rien de nouveau donc. J’attrape la pochette scellée par un sort et me redresse sans avoir touché à mon thé.
Notre entrevue est terminée, mieux vaut que je quitte vite les lieux pour décharger ma colère ailleurs. Justine n’y est pour rien, les ordres viennent de plus haut, toutefois, ma frustration est intense. J’en ai assez d’espionner, j’aimerais être utile d’une autre manière.
— Joey, m’interpelle-t-elle au moment où je pose la main sur la poignée. Je suis désolée.
Nul besoin de me retourner, je sais qu’elle doit me regarder avec pitié. Je me contente donc de hocher la tête avant de pousser la porte. C’est reparti pour un tour…
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